Paris, 1960 : une métropole splendide, étincelante d’électricité, reliée à la mer par un gigantesque canal, sillonée d’autos et de métros silencieux… Tel est le monde fascinant qu’ont forgé, conjuguant leurs efforts, la Finance et la Technique. Pourtant, cet avenir radieux a son envers. Seuls quelques marginaux méprisés, bientôt vaincus par la misère et la faim, persistent dans le culte de l’Art et de la Poésie, tandis qu’un État omniprésent organise la distribution du savoir scientifique…
Paris, 1960. Du moins la capitale francaise telle que Jules Verne l’a imaginée. La description de la ville vue par un écrivain du siècle précédent est très intéressante. Verne propose en effet une technologie qui a évolué à partir de ce que lui connaissait. Ce « moderne ancien » est drôle à comparer au Paris que nous connaissons maintenant. Point d’embouteillages ni de klaxons incessants, mais d’élégants railways et métropolitains qui voyagent au dessus du sol et qui offrent même aux piétons un abri contre pluie et soleil !
Mais le livre ne s’arrête pas uniquement à cette description parisienne. Verne nous propose également une description minutieuse du fonctionnement de cette société, qui place la finance, la technologie et l’industrie au centre de ses préoccupations. Et, relégués au rang d’absurdités inutiles, les arts, la musique et les lettres.
Une vision de la société que j’ai trouvée plutôt pessimiste. Toutes les pratiques artistiques, lorsqu’elles sont (rarement) utilisées, le sont pour valoriser la science et la technique. Même la production théâtrale est rationalisée ! L’extrait qui suit est pour moi le meilleur illustrant la posture des arts : » Un poète, mon ami ! Et je te demande un peu ce qu’il est venu faire en ce monde, où le premier devoir de l’homme est de gagner de l’argent ! » (p 78)
Dans cette société où pour être bien vu, il faut faire des affaires, du chiffre, et surtout n’avoir aucune imagination qui ne soit pas motivée par le profit, se débat Michel. Il s’agit d’un jeune poète qui ne trouve pas sa place dans cette société. Naviguant de petits emplois en misères de plus en plus profondes, il rencontre néanmoins quelques marginaux comme lui. C’est grâce à ces moments de liberté dans un quotidien noir et monotone que Michel prend la résolution de sa vie : vivre de sa poésie en étonnant Paris par sa création… A ses risques et périls.
Mais au-delà de cette vision pessimiste, il faut voir dans ce court roman une célébration envers et contre tout de la littérature française. A travers les personnages de Michel et de son oncle Huguenin, c’est l’amour de l’auteur pour les lettres que nous percevons, qui ravira les lecteurs qui se reconnaîtront dans cette passion.
~ Un petit extrait pour vous donner envie 🙂 ~
« Plus au-dessous, le bas cimetière ; de là, certains groupes de tombes apparaissaient comme de petites villes, avec leurs rues, leurs places, leurs maisons, et leurs enseignes, leurs églises, leurs cathédrales, faites d’un tombeau plus vaniteux.
Enfin, au-dessus, les ballons armés de paratonnerres, qui ôtaient à la foudre tout prétexte de tomber sur les maisons non gardées, et arrachaient Paris tout entier à ses désastreuses colères.
Michel eût voulu couper les cordes qui les retenaient captifs, et que la ville s’abîmât sous un déluge de feu !
» Oh ! Paris ! s’écria-t-il avec un geste de colère désespéré !
– Oh ! Lucy, murmura-t-il, en tombant évanoui sur la neige. »
~ En bref ~
J’ai beaucoup apprécié ce roman. Il s’agit certes d’un avertissement de l’auteur à la société de son temps, mais également un vibrant hommage à la littérature française. Si vous aimez l’anticipation et la littérature, allez vite lire cette magnifique mais trop courte œuvre.