D’un monde à l’autre

Couverture La Quête d'Ewilan, tome 1 : D'un monde à l'autre

Quand Camille vit le poids lourd qui fonçait droit sur elle, elle se figea au milieu de la chaussée. Son irrépressible curiosité l’empêcha de fermer les yeux et elle n’eut pas le temps de crier… Non, elle se retrouva couchée à plat ventre dans une forêt inconnue plantée d’arbres immenses. Te voici donc, Ewilan. Nous t’avons longtemps cherchée, mes frères et moi, afin d’achever ce qui avait été commencé, mais tu étais introuvable…

Il fallait bien que je m’essaie un jour aux texte de Pierre Bottero, oeuvre destinée à la jeunesse très appréciée par beaucoup. Eh bien… je reste plus que mitigée à la sortie de cette lecture. C’est parti.

L’écriture d’abord. J’ai dès les premières pages été surprise – et pas forcément dans le bon sens du terme – par la platitude de l’écriture. Je le confesse, j’ai plusieurs fois été tentée d’abandonner ma lecture. Mais je n’aime pas faire ça et je me suis acharnée. Une fois mis de côté les maladresses et la platitude du style, j’ai pu me concentrer sur l’histoire.

Ce récit est entièrement consacré à la découverte de cet univers parallèle, celui d’Ewilan, ainsi que des tenants et aboutissants de la réelle personnalité de la jeune fille. Là je dois l’avouer, j’ai été séduite par cet univers, sa construction et son bestiaire. Les créatures sont très intéressantes et mériteraient de plus amples illustrations à travers des dessins scientifiques à l’intérieur du roman à mon sens.

Globalement, l’histoire quant à elle est remplie de rebondissements qui se succèdent rapidement. Elle est certes plutôt agréable à suivre, mais de trop grandes ellipses et un manque de fluidité dans l’enchaînement des épisodes gâchent largement l’ensemble. Bon, disons qu’on a pas le temps de s’ennuyer…

Et il faut aussi évoquer le manque de crédibilité de certains éléments de l’histoire. La jeune fille possédant des connaissances étendues dignes d’un vieil érudit alors qu’elle est seulement âgée de 13 ans par exemple. L’auteur a tendance à confondre érudition et intelligence surdéveloppée. Que Camille possède cette dernière ainsi qu’une énorme capacité d’apprentissage passe encore. Mais là… il ne faut pas abuser. De la même manière, certains passages dangereux pour les protagonistes se résolvent bien trop rapidement par ce qui semble être un Deus ex machina injustifié et qui dévoile un vide narratif.

Les personnages sont au final très superficiels et psychologiquement très peu développés. Comme pour les actions, dialogues et interactions sont plutôt vides, comme si l’auteur n’avait pas voulu s’encombrer de ces détails. Leurs réactions ne sont pas tout le temps réalistes et crédibles, notamment pour Bjorn. Peut-être s’agit-il d’une astuce narrative, mais j’en doute.

Mais pour terminer sur une note positive, il est important d’évoquer le système de magie très poétique mis en place par Pierre Bottero : le dessin. Les praticiens du Dessin semblent capables de mettre en oeuvre des actions formidables, à dimension mythique, juste en les concevant dans leur esprit. C’est un système très intéressant et laisse entrevoir des possibilités qui, je l’espère, prendront vie dans les prochains tomes.

#En bref

Cette lecture m’a-t-elle rebutée ? Pas totalement. L’univers de Pierre Bottero possède des points forts qu’il ne faut pas placer derrière les faiblesses de son écriture. Le Dessin et le monde fantastique sont tout simplement très originaux et j’ai apprécié me trouver dedans.
Si vous souhaitez vous lancer dans cette lecture, faites l’effort de vous concentrer sur l’univers et pas sur l’écriture. Sinon, l’envie d’abandon vous guettera… 


La quête d’Ewilan.- D’un monde à l’autre.- Pierre Bottero.- Ed. Rageot.

Pont-Saint-Esprit

Au cours de l’été 1951, la commune de Pont-Saint-Esprit, dans le Gard, fut la proie d’un phénomène de contagion inconcevable: près de trois cents personnes manifestèrent des troubles du comportement accompagnés de violentes crises d’hystérie et d’hallucinations sensorielles. À travers un texte fort, empreint d’humanité, Laurent Mantese revient au cœur de l’enfer vécu par les habitants et reconstitue, quasiment heure par heure, le déroulé tragique des événements.
L’article qui accompagne ce court roman apporte un éclairage tant scientifique qu’historique et contextuel à cette affaire hors norme et propose de faire le point d’une manière sinon définitive, du moins singulière, sur les différentes hypothèses qui ont pu être avancées pour tenter d’expliquer l’inexpliquable.
Parce qu’une histoire se déroule forcément quelque part et que cette fois-ci, ce sera à Pont-Saint-Esprit et pas ailleurs !

Décidément, j’aime bien cette jeune collection proposée par les éditions de la Clef d’Argent : des récits fantastiques se déroulant dans différentes communes françaises. Leur phrase d’accroche aussi d’ailleurs, Parce qu’une histoire se déroule forcément quelque part

Deux types de textes se côtoient dans ce livre : une courte histoire et un article sous forme de postface rédigée par Jean-Pierre Favard. Le tout condensé dans un peu plus de 100 pages.

L’histoire d’abord. Celle-ci est courte. Un peu trop à mon goût, mais l’auteur possède un véritable esprit de synthèse et sait faire tenir l’histoire, ses tenants et aboutissants dans un format très réduit. Laurent Mantese se place dans la droite ligne des grands novellistes fantastiques du XIXe siècle, Maupassant et Edgar Poe en tête. J’ai en effet eu à de nombreuses reprises l’impression d’avoir sous les yeux un récit de cette époque.

Laurent Mantese maîtrise son récit du début à la fin et instille au fil de la lecture une ambiance lourde, morbide où l’effroi du narrateur imprègne le lecteur malgré lui. J’apprécie particulièrement cet auteur qui sait plonger son lecteur dans une ambiance oppressante le temps de quelques pages. Si vous voulez une preuve : lisez donc cet extrait que j’ai posté jeudi dernier !


L’intrigue quant à elle est très intéressante. En partant d’un fait divers s’étant réellement déroulé, l’auteur bâtit une histoire fantastique composée de créatures qui font froid dans le dos. Grandes, aux mains comme des serres… qui seront très présentes dans la vie du narrateur. Malheureusement, le récit est beaucoup trop court. Mais le but était de fictionnaliser un fait divers et il n’y avait pas lieu de s’éterniser. Et puis toute bonne chose a une fin !

#En Bref


J’ai réellement apprécié ce court récit, tant sur le plan de l’écriture que sur celui de l’histoire. J’aime décidément beaucoup cette collection qui permet de découvrir un petit coin de France embelli par un auteur à travers un récit. Je vous conseille cette histoire si vous aimez les récits dans la droite ligne des nouvelles fantastiques de Poe ou Maupassant !


Pont-Saint-Esprit, Les cercles de l’Enfer.- Laurent Mantese.- Ed. La Clef d’argent

Le liseur du 6h27

Couverture Le liseur du 6h27
«Voilà, on voulait vous dire, on aime bien ce que vous faites. Ça nous fait drôlement du bien. 
Ça va bientôt faire un an que Josette et moi, on vient vous écouter tous les lundis et jeudis matin.» 
Sur le chemin du travail, Guylain lit aux passagers du RER de 6 h 27 quelques pages rescapées de livres voués à la destruction. Ce curieux passe-temps va l’amener à faire la connaissance de personnages hauts en couleur qui cherchent, eux aussi, à réinventer leur vie. 
Un concentré de bonne humeur, plein de tendresse et d’humanité.

Comment suis-je tombée sur ce livre ? Pas vraiment par hasard. Folio a vraiment réussi sa campagne de communication sur Instagram à propos de ce titre qui a fini par m’intriguer. Puis, j’en ai lu beaucoup de bien. Alors, pourquoi ne pas tenter, me suis-je dit. 
Je ne suis pas loin du coup de cœur après cette lecture. Le liseur du 6h27 est une histoire touchante et émouvante sans pour autant tomber dans la niaiserie. C’est une véritable tranche de vie jusque dans le moindre détail que nous propose Jean-Paul Didierlaurent. Celle de Guylain, un jeune homme passionné par la lecture des livres qu’il doit détruire. Alors, il sauve du pilon quelques feuilles miraculeusement épargnées des crocs acérés de la Bête.
Le personnage est certes un peu évoqué superficiellement dans le récit avec un accent mis plutôt sur certains aspects de sa personne. Mais ce qui est donné à voir est touchant et étonnamment réaliste. J’aimerais bien croiser un tel personnage qui cache beaucoup plus que ce qu’il donne à voir, comprenez à lire, au premier abord. 
J’ai vraiment suivi avec grand plaisir la vie quotidienne de Guylain, de son travail à ses péripéties livresque en passant par ses amours pour Julie. L’écriture est légère, l’histoire facile à suivre et propose une galerie de personnages hauts en couleurs et amusants, chacun à son niveau. Le liseur du 6h27 est un récit très poétique, optimiste, un bonheur à lire après une journée de travail plate et grise. Un peu comme si le retour du travail était un peu plus coloré. 
Je l’ai dit plus haut, ce roman a su me toucher avec sa chute qui laisse le champ libre au lecteur pour imaginer la suite. Guylain réussira-t-il dans son entreprise amoureuse ? Je ne vous en dit pas plus et vous laisse lire ce très bon texte.
#En Bref
Je vous l’avez dit, Le liseur du 6h27 est presque un coup de cœur pour moi. Je vous conseille donc vivement cette lecture !

Perdido Street station

Couverture Perdido Street Station, tome 1
Nouvelle-Crobuzon: une métropole tentaculaire et exubérante, au cœur d’un monde insensé. Humains et hybrides mécaniques y côtoient les créatures les plus exotiques à l’ombre des cheminées d’usine et des fonderies. Depuis plus de mille ans, le Parlement et son impitoyable milice règnent sur une population de travailleurs et d’artistes, d’espions, de magiciens, de dealers et de prostituées. Mais soudain un étranger, un homme-oiseau, arrive en ville avec une bourse pleine d’or et un rêve inaccessible: retrouver ses ailes. Isaac Dan der Grimnebulin, savant fou et génial, accepte de l’aider. Mais ses recherches vont le conduire à libérer une abomination sur la ville tout entière…

Sérieusement, ce résumé ne vous tente pas ? Moi il m’a donné envie de me plonger dans ce roman et je dois dire que j’ai beaucoup apprécié cette lecture.
Je n’ai jamais lu de textes de cet auteur et j’ai donc découvert son écriture à travers les pages de Perdido Street station. La plume est efficace et de très bonne qualité. Ses mots possèdent un grand potentiel évocateur  et on se retrouve souvent plongé dans ce texte dont on avale les chapitres sans y prendre garde. Mais justement, l’auteur ne développe pas toujours cette capacité évocatrice des mots et s’épanche trop souvent sur la même description sale et peu reluisante de la cité de Nouvelle-Crobuzon. Ce tic d’écriture n’a pas affecté ma lecture, mais c’est loin d’être un point positif…
Venons-en à l’univers du roman. Je l’ai beaucoup apprécié. China Miéville réussit le pari de proposer un monde complexe, mais aisément compréhensible avec des créatures de nature diverses mais aux caractéristiques et aux mœurs aisées à retenir. Les protagonistes de l’histoire son eux-même très bien construits et vraiment naturels en ce qui concerne leurs réactions, leurs interactions et leur construction psychologique.
C’est un univers très stratifié et peuplé de nombreuses créatures séparées les unes des autres par de nombreux préjugés. Nouvelle-Crobuzon est gérée par la Milice, une sorte de police politique aussi discrète que dangereuse. La société est vraiment réaliste et pourrait tout à fait exister si d’autres races que l’Homme existaient. Avec son lot de racisme, d’idées reçues bien entendu. 
L’intrigue proposée est un véritable challenge et je n’ai pas pu m’empêcher de continuer ma lecture (comprenez en ayant du mal à poser mon livre) pour savoir ce qu’il allait en être. Celle-ci se décompose en plusieurs ramifications qui s’entrecroisent parfois, le tout arrosé d’explications sur tel ou tel point de l’univers. Le tout forme un ensemble très fluide et mis à part les récurrences des tics évoqués plus haut, il n’y a aucune longueur à signaler dans cette lecture. 
#En Bref
J’ai passé un très bon moment de lecture. Je vous conseille ce premier tome qui augure une série de qualité à l’intrigue prenante !

Dans les eaux du lac interdit

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Un voyageur anonyme a pris place à bord d’un train pour un interminable voyage à travers les steppes kazakhes. Le train s’arrête dans une toute petite gare et un garçon monte à bord pour vendre des boulettes de lait caillé. Il joue Brahms au violon de manière prodigieuse, sortant les passagers de leur torpeur. Le voyageur découvre que celui qu’il avait pris pour un enfant est en fait un homme de vingt-sept ans. L’histoire de Yerzhan peut alors commencer…


J’ai découvert ce titre grâce à la Masse Critique Babelio. J’ai de suite été séduite par le choix des couleurs de ce livre : noir, blanc et rose flashy. Il s’agit d’un tout petit ouvrage, à peine plus d’une centaine de pages, mais au contenu riche. Très riche. 

Attention, ne tentez pas de lire cette histoire si vous n’aimez pas les récits de vie. On suit en effet l’histoire de Yerzhan, un petit garçon vivant dans les steppes du Kazakhstan.  La vie s’y déroule dans toute sa simplicité et sa rudesse au sein des deux familles formant tout l’univers du petit garçon. Si je ne les ai pas vraiment enviés de vivre ainsi, cette histoire m’a laissée songeuse et admirative devant la résistance de ces gens.

Ce n’est donc pas un récit qui étouffe par la rapidité de l’enchaînement des événements.  On lit littéralement au rythme de la vie du jeune garçon, presque sans à-coups. Mais l’histoire n’en est pas moins intéressante pour autant. Yerzhan est un personnage plutôt intéressant dans l’évolution de ses schémas mentaux et de sa vision du monde. D’abord façonnée par les récits mythologiques kazakhes, elle s’élargit avec l’arrivée des cours de musique, de la radio puis de la télévision dans la vie du petit garçon.

Les émotions ainsi que les réactions psychologiques sont en effet plutôt bien travaillées. La transcription du narrateur donne vraiment l’impression d’assister au récit du jeune garçon durant un long voyage en train.

Puis vient la tragédie touchant Yerzhan : il ne grandit pas. Étrangement, ce n’est pas tant ce fait qui le touche, mais plutôt celui de ne pas grandir comme sa promise. Je n’ai pas pu m’empêcher de compatir avec les difficultés de la vie de ce jeune homme.

L’auteur possède une plume évocatrice de très bonne qualité qui donne garde l’intérêt du lecteur du début à la fin du texte. Je n’ai pas ressenti de longueur durant ma lecture et j’ai plusieurs fois été happée par l’impression de calme absolu qui se dégage de ce texte. 

#En Bref

Si vous appréciez les récits hors-genre et les récits de vie, alors Dans les eaux du lac interdit est un roman fait pour vous. Si en plus vous aimez les histoires dépaysantes, courez vous procurer ce livre !

Dans les eaux du lac interdit.- Hamid Ismaïlov.- Ed. Denoël

La France Steampunk

Couverture La France steampunk : 1871 La Grande machine

Une rumeur court depuis longtemps…
Un livre circulerait sous le manteau, un livre racontant la France steampunk du XIXe siècle, un livre qui aurait inspiré la communauté française d’aujourd’hui. 
Que s’est-il passé en 1871 ? Quelle est cette Grande Machine que les puissances européennes convoitent ? Quelle est cette France devenue étrangement vaporiste ?
Étienne Barillier et Arthur Morgan, les deux meilleurs spécialistes du steampunk français, se sont lancés à corps perdu dans cette enquête! Ils retranscrivent ici le cœur des documents retrouvés. Accompagnés du photographe Nicolas Meunier, ils ont sillonné l’Hexagone à la rencontre des factions vaporistes. Car elles seules détiennent le fin mot de l’histoire !

EN BRETAGNE : Embarquez dans le dirigeable de Victor Sierra !
À PARIS : Montez sur les barricades de la Commune avec Louise Michel !
DANS LE NORD : Fuyez le terrible agent de l’Empire, Gaspard de Belleville !
À LYON : Découvrez les Neuf, qui président à la destinée de chacun…
À TOULOUSE : Retrouvez l’inventeur de la Grande Machine !
À MARSEILLE : Battez-vous auprès d’Oriya dans les calanques !

Après plusieurs mois d’attente après ma lecture du Guide Steampunk, j’ai enfin l’occasion de découvrir ce beau livre. En le découvrant, j’ai été très surprise par cette couverture rigide et le grand format de ce livre. Cela m’a un peu surprise, mais surtout car je crains de l’abîmer durant un transport et dois donc redoubler d’attention. Mais cette tranche protège les pages intérieures et c’est le principal, non ?

Continuons sur l’objet en lui-même. Il s’agit d’un beau livre, littéralement. Une attention extrême est portée aux détails typographique, à la mise en page intérieure et aux images. Rien n’est laissé au hasard, jusqu’au texte qui est rédigée sur plusieurs colonnes, rappelant un journal. Ce soin extrême de la mise en page ainsi que cette esthétique font de La France Steampunk un vraiment bel objet ainsi qu’une lecture très agréable. Chapeau à Mnémos pour cette réussite !

Les photographies sont réussies et les modèles prennent place plutôt naturellement dans des décors bien choisis. Le lien entre texte et image est très fort et les deux se complètent sans tomber dans l’écueil de la simple juxtaposition. Images d’ailleurs vraiment très réussies qui donnent envie et des idées pour se créer un joli costume. On se rend d’ailleurs compte à quel point les costumes peuvent être variés. Et surtout qu’il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. 

Mais le texte occupe une place aussi importante que l’image dans ce beau livre. Les écritures des deux auteurs se mêlent dans un roadtrip intense à travers les diverses communautés vaporistes françaises de la Bretagne à Marseille en passant par Lille et le nord de la France. Les aventures que vivent nos deux protagonistes sont palpitantes, on continue la lecture pour en connaître la suite. Dommage que le format du livre ne soit pas adapté au transport à cause de sa taille !

C’est une histoire comme je les aime, un récit de voyage, de l’uchronie et du steampunk. L’intrigue est bien documentée et le lien entre histoire et fiction est si proche que l’on pourrait se dire : on pourrait se dire : et si la Commune s’était vraiment déroulée ainsi ? L’histoire se relance au bon moment et découvre de nouveaux mystères pour relancer l’intérêt du lecteur : la Grande Machine et les aléas du périple des protagonistes…

#En Bref

La France Steampunk est un très beau livre. Mais il ne se limite pas à cela : l’intrigue est passionnante, les péripéties pimentent la lecture et le mélange entre fiction et histoire est savamment dosé. Que demande le peuple ? Si vous aimez l’esthétique steampunk, n’hésitez plus !

La France Steampunk.- Etienne Barillier & Arthur Morgan.- Ed. Mnémos

The book of Ivy

Couverture The Book of Ivy, tome 1
Voilà cinquante ans qu’une guerre nucléaire a décimé la population mondiale. Un groupe de survivants d’une dizaine de milliers de personnes a fini par se former, et ce qui reste des États-Unis d’Amérique s’est choisi un président. Mais des deux familles qui se sont affrontées pour obtenir le pouvoir, la mienne a perdu. Aujourd’hui, les fils et les filles des adversaires d’autrefois sont contraints de s’épouser, chaque année, lors d’une cérémonie censée assurer l’unité du peuple.
J’ai seize ans cette année, et mon tour est venu.
Je m’appelle Ivy Westfall, et je n’ai qu’une seule et unique mission dans la vie : tuer le garçon qu’on me destine, Bishop, le fils du président. Depuis ma plus tendre enfance, je me prépare pour ce moment. Peu importent mes sentiments, mes désirs, mes doutes. Les espoirs de toute une communauté reposent sur moi. Le temps de la rébellion approche…
Bishop doit mourir. Et je serai celle qui le tuera.

Je suis toujours un peu sceptique lorsque j’aborde un roman parlant d’une histoire sentimentale, avec des adolescents en prime. Je ne suis pas une grande amatrice de ce genre d’histoires. Mais je dois dire que cette histoire a été au final plutôt sympathique.


Contrairement à d’autres romans traduits vraisemblablement à la hâte, celle de ce texte semble plutôt bonne. L’écriture est plutôt classique mais reste efficace et sert l’histoire en donnant une lecture très fluide qui donne envie de suivre l’intrigue jusqu’au bout du livre.

Celle-ci est plutôt cousue de fil blanc, il faut l’avouer. Néanmoins, la manière d’y arriver étant pour moi aussi importante que le but, j’ai apprécié l’évolution de cette histoire et le passage d’Ivy de l’autre côté du miroir des apparences. Celle-ci découvre que le monde est autrement plus compliqué que son environnement immédiat. 
Mais le message sous-jacent est pour moi le plus important : aller au-delà des apparences et apprendre à évaluer une situation par soi-même sans œillères comme celles qu’Ivy portait. 

Ivy est un personnage intéressant tant dans sa construction initiale que dans son évolution psychologique : la voir ouvrir les yeux sur la vérité du monde et perdre les certitudes forgées par sa famille. Cet effondrement assorti d’une prise de conscience douloureuse est bien rendu par l’auteur qui a accompli un bon travail d’écriture sur ce point. 

Cet univers juste ébauché est intéressant. Post-apocalyptique, la vie a repris ses droits et les gens vivent dans un confort relatif. Bien entendu, un interdit absolu est posé sur l’extérieur où seuls vont les gens exilés. Un poncif usé bien entendu, mais pas désagréable pour autant. 

#En Bref

The Book of Ivy est une bonne lecture. Rien de très suprenant ni de vraiment originale mais j’ai passé un sympathique moment en compagnie d’Ivy et de son évolution psychologique. 
Je vous conseille cette histoire, mais n’espérez pas être vraiment surpris !

Les Guerres madrières

Dans le premier tome de la saga de fantasy Blizzard, Le Secret des Esthètes, la révolte s’est propagée contre la tyrannie de l’Inquisiteur, des pentes montagneuses balayées par les vents glacés aux somptueuses galeries souterraines des Esthètes jusqu’à la capitale où se tient le Grand Tournoi. L’invasion des Erzats, le peuple mi-humain mi-animal irradié par la magie, menace de déclencher une nouvelle grande guerre. Au coeur des montagnes, Chasseur, le jeune leader des révoltés, embarque pour le plus dangereux des voyages : explorer la part sombre de sa mémoire. Qui est-il réellement ? Ravivera-t-il les récits des terribles premières grandes guerres ? Réussira-t-il à trouver l’enfer des mages où se terre l’ombre de son étrange maître, Blizzard ? 

Si je suis restée sur ma faim avec Blizzard, j’attends tout de même la suite. Ce premier tome ouvre tout un champ de possibles, et j’espère vivement que la suite sera épique et plus étoffée !

Voici les derniers mots de mon avis du tome 1 de Blizzard.  Eh bien ce tome 2 a largement comblé mes attentes en termes d’épique et d’action ! Comme son titre l’indique si bien, la majeure partie relate l’histoire d’une affreuse guerre. Le récit de l’Esthète qui y a participé est vraiment bien narré et sait comment transmettre tous les détails dans un conte fluide qui nous emporte dans la fièvre et la peur des combats. Je suis à chaque fois ressortie un peu déboussolée de cette lecture. 
L’auteur possède un véritable talent de conteur donc, mais il sait aussi faire passer toute une palette d’émotions à travers ses mots. L’empathie se dégageant de ce texte est vraiment importante et il est difficile de ne pas se sentir immergée dans ce texte. Pierre Gaulon alterne donc des phases nerveuses avec d’autres plus calmes et contemplatives. Cette dynamique ainsi créée crée un rythme où le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer. Car le danger, la peur et l’exaltation guerrière rôdent à chaque pages pour nous replonger dans le tourbillon du passé de cette contrée
L’histoire est vraiment bien construite avec une alternance temporelle : le présent et celle des guerres madrières où tout a commencé. Il pourrait être aisé de se perdre dans une telle mouvance des époques, mais Pierre Gaulon manie sa plume avec dextérité et la transition entre présent et passé est fluide, naturelle. La maîtrise du suspens, si importante dans un tel récit, est bien présente. On quitte à regret une époque pour retrouver un nouveau rebondissement dans l’autre. Si parfois il m’est arrivée de passer des chapitres d’une période dans un roman, ça n’a pas été le cas ici. 
On retrouve les mêmes personnages qu’au début. Bien qu’ayant lu le premier tome il y a déjà quelques mois, je n’ai pas mis trop de temps pour me les rappeler. Ils n’ont bien entendu pas beaucoup évolué, mais reprendre là où on les avait quitté à la fin du tome 1 crée une continuité appréciable. Je suis toujours vraiment intéressée par les Esthètes et les mages, ces deux catégories si mystérieuses et complexes. 
Notons enfin la magnifique couverture réalisée par Michal Karez qui invite au voyage au même titre que le texte.
#En Bref
Les Guerres madrières est un très bon texte qui m’a beaucoup plu. Son caractère épique et la richesse des émotions qu’il sait faire paraître en fait un plaisir à lire à tel point que je l’ai refermé à contrecœur. 
Vous l’aurez compris, il s’agit d’un coup de coeur que je vous conseille. Pierre Gaulon est un auteur qu’il faut suivre à mon sens.

Smog of Germania

Couverture Smog of Germania
Germania, début des années 1900, capitale du Reich.
À sa tête, le Kaiser Wilhem, qui se préoccupe davantage de transformer sa cité en quelque chose de grandiose plutôt que de se pencher sur la guerre grondant le long de la frontière française – et pour cause : on dit qu’il n’a plus tous ses esprits. Un smog noir a envahi les rues suite à une industrialisation massive, au sein duquel les assassins sont à l’oeuvre.
Une poursuite infernale s’engage dans les rues et les cieux de Germania le jour où la fille du Kaiser échappe de peu à une tentative de meurtre. Objectif : retrouver les commanditaires. La chose serait bien plus aisée s’il ne s’agissait pas en réalité d’un gigantesque complot, qui se développe dans l’ombre depuis trop longtemps.

J’ai vite été attirée par cette superbe couverture aux couleurs bien choisies et appelant à la lecture et à la plongée dans le smog conférant à cette cité une aura de mystère.

C’est une histoire vraiment bien structurée et pensée que nous propose Marianne Stern. D’abord, elle ne se focalise pas uniquement sur les états d’âme d’une princesse obligée de se cacher qui découvre que la vie est plus dure en dehors des murs du palais impérial. Le suspens est maintenu et les rebondissements présents jusque dans les dernières pages où le dénouement est amené de manière fluide, évitant l’écueil classique de la fin brutalement annoncée. Les chapitres plutôt courts de ce roman dynamisent un peu plus (s’il en était besoin) cette lecture et créent un rythme plaisant. 

L’écriture, de la même manière que l’intrigue, est soignée. Aucun mot n’est employé à la légère et sert l’histoire de manière optimale. J’ai toutefois eu un peu de mal à accrocher avec cette écriture au début du roman… Mais après quelques chapitres posant les bases de l’histoire, j’ai dévoré la suite jusqu’au dernier mot. 

Les descriptions sont évocatrices d’une ville à deux vitesses où les riches vivent dans de hauts palais perçant ce brouillard polluant et où les pauvres sont condamnés à vivres dans les ténèbres puantes et nocives du smog. Les plongées dans la ville sont l’occasion pour Marianne Stern de donner la pleine mesure des horreurs odorantes et du danger de ces ruelles mal famées. 
Et de l’autre côté, l’auteur nous décrit le palais suffocant d’obséquiosité envers un Kaiser devenu fou au point de mettre en péril ce qui reste de sa famille pour un motif de déclaration de guerre à la France. 

Cette dualité d’une société n’est pas très éloignée de ce qui se passait effectivement dans les pays européens à la fin du XIXe siècle, époque dans laquelle se déroule notre histoire. Et le lien entre les deux assuré par les protagonistes qui permettent de comparer ces deux modes de vie totalement éloignés permet de mettre en évidence les (trop) fortes disparités. Ce même à travers le prisme de la fiction. Car Smog of Germania revisite une réelle période historique à travers sur histoire : la période de tensions précédant la Première Guerre mondiale. De façon légèrement différente bien entendu. 

Marianne Stern a fourni un gros travail sur la psychologie de ses personnages, en particulier sur leur évolution psychologique. J’ai personnellement eu l’impression de les côtoyer comme je côtoierais quelqu’un : en apprenant à le connaître petit à petit au fil des événements. Les modifications de l’état d’esprit de Viktoria, la fille du Kaiser, ainsi que de ses réactions sont appréciables. Même si elle mériterait plusieurs fois des claques pour ses jugements hâtifs. Mais qui n’en a jamais eu ?

L’esthétique steampunk est bien présente dans l’histoire, mais sa discrétion est appréciable comparé à d’autres sagas qui l’utilisent à outrance. Certes, on échappe pas aux zeppelins et autres aérostats au dessus de la ville, mais Marianne Stern a développé le concept d’orfèvrerie au rang d’art presque occulte. Et les créations évoquées laissent rêveurs : des sculptures magnifiques, des artefacts faits de métal et de rouages presque vivantes et même des hommes faits en partie de rouages remplaçant des parties de leur corps. 

#En Bref


Smog of Germania, qui m’avait déjà attiré par sa couverture, a continué à me passionner durant ma lecture par son univers et son intrigue bien construits. J’ai vraiment apprécié cette lecture et serais curieuse de lire les futurs livres de l’auteur. Je vous conseille cette lecture.


Smog of Germania.- Marianne Stern.- Ed. Le Chat noir

Tiré à quatre épingles

Parmi les milliers de voyageurs, Laurent erre seul dans le hall de la gare de Lyon, l’air paumé. Il vient de rater son CAP boulangerie et sa mère l’a mis dehors. Samy, escroc à la grande gueule, le repère rapidement. Il a bien l’intention de profiter de la naïveté de ce gamin aux chaussures vertes et l’entraîne dans un cambriolage. L’appartement dans lequel ils pénètrent est une sorte d’antichambre du musée des Arts premiers et regorge de trésors africains. Mais ils tombent nez à nez avec la propriétaire et collectionneuse. Comme elle s’est blessée en tombant dans les escaliers, ils lui viennent en aide avant de s’enfuir. Pourtant, quelques heures plus tard, elle est retrouvée morte, abattue de cinq balles tirées à bout portant. Le commandant Chanel, chargé de l’enquête, s’enfonce alors dans l’étrange passé de cette victime, épouse d’un ex-préfet assassiné quai de Conti peu de temps auparavant. Un polar haletant sur fond de sorcellerie qui nous dévoile les coulisses de la gare de Lyon et nous ouvre les portes du célèbre 36 quai des Orfèvres.


Voilà voilà. L’enquête de Tiré à quatre épingles nous plonge dans les arcanes d’une enquête policière somme toute classique. Cela étant, la tension est maintenue et je n’ai pas abandonné l’histoire avant d’en connaître la fin. Les rebondissements et les quelques ramifications de l’enquêtes ont bien été placées, ce qui crée un rythme agréable dans la lecture.

Premier bémol, l’aspect ésotérique. On m’a parlé de ce livre en mettant en avant l’occultisme. Le problème est que je ne l’ai pas retrouvé. Du moins, pas autant que je m’y attendais. Pas suffisamment fouillé par l’auteur qui est resté très superficiel sur la question.

J’ai lu à plusieurs endroit que l’écriture de l’auteur avait plu, au même titre que le livre. Eh bien ça n’a pas fonctionné avec moi. Le style de l’auteur m’a semblé très classique, sans beaucoup de relief et avec quelques maladresses en termes de choix de mots et de tournures de phrases. Et les adresses du narrateur au lecteur ne sont vraiment pas passées…. dommage. Quant à l’humour un peu répétitif… on repassera.

L’intrigue, je l’ai dit plus haut, est alimentée en rebondissements. Ceux-ci viennent épaissir une intrigue bien construite pour aboutir à un contenu touffu sans toutefois perdre le lecteur. 

Pascal Marmet nous propose un panel de personnages tous très différents. On retrouve malheureusement quelques stéréotypes. Les policiers entre autres, en particulier celui de Chanel, un célibataire endurci qui ne fait pas confiance à la gent féminine. Mais chaque personnages – et c’est leur grande force – possèdent une seconde face qui se révèle au fil des pages. Ainsi, Chanel a réussi à me toucher, de même qu’Alex. C’est cependant dommage que les protagonistes ne possèdent pas un background psychologique plus travaillé. 
L’auteur gagnerait largement à épaissir un peu son récit avec le développement de ses personnages pour les rendre encore un peu plus attachants.

C’est cela le principal souci dans ce roman : il y a beaucoup de bonnes ébauches, mais toutes en restent à ce stade sans aller plus loin, et c’est franchement dommage. Il suffit de parler de la fin qui arrive de manière un peu trop abrupte malgré l’intrigue qui s’était construite plus doucement.

#En Bref

Tiré à quatre épingles n’a pas été à la hauteur de mes attentes. On m’avait parlé d’un policier sur fond d’occultisme, mais cet aspect a largement été négligé. Néanmoins, ce roman possède quelques points positifs qui mériteraient d’être largement développés. 

Les avis étant plutôt divers à son propos, je vous invite à le lire pour vous forger le vôtre !

Tiré à quatre épingles.- Pascal Marmet.- Ed. Michalon