Il y a quelques jours, Bodmaëlle Galliep était une jeune exorciste brillante, promise à un bel avenir. Aujourd’hui, à cause d’un imbécile à moitié ivre, elle grelotte dans les geôles de sa propre inquisition, accusée d’hérésie. Elle, dont la foi a toujours guidé les pas, traitée comme le dernier des mécréants !
Fille des deux rives est le premier roman publié aux éditions Mythologica que je découvre. Il s’agit d’un petit récit de moins de 300 pages dans lequel l’auteur a réussi à faire tenir une histoire au déroulement complexe.
On retrouve dans cette histoire la traditionnelle opposition religion/magie, cette dernière étant considérée comme maléfique et démoniaque. Mais l’auteur va plus loin en ouvrant un espace de dialogue entre les deux entités. Ce dialogue rappelle en filigrane celui, plus réel, de l’opposition entre science et religion qui existe encore de nos jours. Si l’entente est difficile entre les protagonistes, leurs idées, bien que différemment exprimées, sont souvent plus proches qu’on veut bien le croire. Ce débat pousse à extrapoler la réflexion sur les problématiques existant dans notre réalité, et cela fait à mon sens la grande force du récit.
La religion n’honore pas vraiment un dieu, mais plutôt l’élévation de l’esprit à travers la Sagesse. Cela peut rappeler la philosophie antique, à cela près qu’un dogme et un système judiciaire ont été instaurés pour le culte sapientiste. J’ai donc été plutôt circonspecte devant le paradoxe mis en place par cette religion qui prône l’élévation de l’esprit mais condamne certaines positions intellectuelles.
Et de l’autre côté, nous avons la magie. Celle-ci relève par certains aspects de la science. Avec quelque chose d’original en plus, l’Envers-monde, ce dans quoi les mages vont puiser une partie de leurs pouvoirs. C’est à mon sens un autre point fort de cette histoire, et j’ai particulièrement apprécié le voyage de l’un des protagonistes dans cet univers parallèle. Car c’est bien de cela qu’il s’agit à entendre le dialogue du personnage avec un autochtone. C’est simplement dommage que ce voyage ait mis autant de temps à arriver dans l’histoire.
Car le rythme est plutôt inégal dans cette histoire. Certes il y a des moments intenses en activité, mais ils sont pour moi trop inégalement répartis dans l’ensemble du récit et les creux m’ont fait parfois délaisser l’histoire. Toute la première partie du récit est plutôt lente et traite de la réclusion et de la fuite de la jeune femme. L’histoire reste prostrée sur les circonvolutions mentales des inquisiteurs et de Bodmaëlle. Certes, l’importance accordée à la réflexion est une posture qui se défend, mais je n’y ai pas accroché dans cette histoire. De longs passages contemplatifs viennent encore alourdir le récit par leur nombre beaucoup trop élevé et sans importance vitale pour l’histoire.
Le dernier bémol que je pourrais formuler à propos de cette histoire est l’absence de carte ! L’histoire dépeint un monde qui semble vraiment bien construit, mais il m’a été impossible de m’y attacher et de m’y repérer en l’absence de carte. A cause de cela, c’est un pan entier de l’histoire qui tombe à l’eau…
Ophélie Bruneau a réalisé un important travail sur la psychologie de ses personnages et tissé une toile de relations dans leurs backgrounds respectifs. Ceux-ci sont partie prenante de l’histoire et les liens qui les unissent participent à l’intérêt que j’ai eu pour Fille des deux rives.
#En Bref
Fille des deux rives est un roman à l’intrigue intéressante qui pousse à réfléchir sur le rapport entre croyance et science et surtout entre les liens qui peuvent être tissés entre eux. Ophélie Bruneau nous propose un monde et un Envers-Monde intéressants et des personnages très bien travaillés et partie prenante de l’histoire.
Malgré une inégalité dans le rythme et certaines faiblesses de l’histoire, cette lecture m’a plu et je vous la conseille tout de même.
Fille des deux rives.- Ophélie Bruneau.- Ed. Mythologica.- Disponible