Bye bye Leningrad

Bye bye Leningrad pose un regard particulièrement original sur la vie quotidienne dans l’ex-Union soviétique et les États-Unis de la seconde moitié du XXe siècle. En partie autobiographique, ce livre est à la fois un roman picaresque et d’apprentissage. Son héroïne, Tatyana Dargis, a grandi en URSS. Après une adolescence durant laquelle ses malheurs en amour n’ont d’égal que ses déboires intellectuels et administratifs avec le KGB, elle émigre aux États-Unis où de nouvelles absurdités (capitalistes, cette fois) lui donnent un aperçu cinglant de la vie en Occident.

Bye Bye Léningrad était à la base un roman prescrit dans le cadre d’une unité d’enseignement de l’université. On m’a dit « Tu verras, c’est un roman qui est très intéressant et qui se lit très facilement ! »… Parole de professeur me direz-vous. Mais après l’avoir lu, je dois affirmer que c’est la réalité.
Il s’agit donc du récit du récit de la vie de Natacha, une jeune femme vivant en URSS. Il s’agit toutefois plus d’un journal de bord dans lequel l’auteur retrace les évènements de son existence qui ont de l’importance qu’un véritable journal intime.
Ce roman n’est pas à proprement parler d’un journal intime. Il s’agit plutôt d’un journal de bord thématique, dans le sens où l’auteur cherche à retranscrire les éléments notables de sa vie quotidienne, et non un simple récit de vie du type : « cher journal… ».
Elle dresse ainsi un portrait sans concessions de son pays à l’époque où elle y vivait. Elle y dénonce notamment tous les abus de l’administration soviétique et leurs manœuvres pour empêcher les contacts de leurs ressortissants avec l’étranger. Sans vraiment forcer le trait, elle raconte la manière dont elle est surveillée et presque manipulée par le KGB, les services secrets russes.
Elle raconte également la manière dont elle arrive à trouver son premier emploi aux Etats-Unis où elle montre que rien n’est vraiment différent de l’URSS, sur ce plan notamment. La comparaison sous-jacente entre États-Unis et URSS et la vie du personnage principal dans ces deux pays pose la question de l’appartenance à une nation, mais surtout de l’immigration. Ce roman donne une vision de l’évolution parallèle de deux pays totalement différents : l’union soviétique qui se replie sur elle-même coûte que coûte, et les États-Unis qui au contraire prône la liberté personnelle avant tout.
Ludmila Schtern nous propose un panorama non dénué d’ironie sur ses deux patries : l’Union Soviétique de sa naissance et les États-Unis, son pays d’adoption. Elle nous dévoile l’envers des livres d’histoire en mettant en lumière le quotidien des petites gens de ces deux pays, leurs travers et leurs us et coutumes.

Bye Bye Leningrad est une lecture plaisante mais sans concession à propos de tout un pan de la guerre froide. 

Bye bye Leningrad.- Ludmila Schtern.- 2013.- Ed. Intervalles

La reine des lectrices



Que se passerait-il Outre-Manche si, par le plus grand des hasards, Sa Majesté la Reine se découvrait une passion pour la lecture ? Si, tout d’un coup, plus rien n’arrêtait son insatiable soif de livres, au point qu’elle en vienne à négliger ses engagements royaux ?



J’ai vu ce roman arriver dans la médiathèque où je suis bénévole. Après avoir lu la quatrième de couverture, le verdict est tombé. Je devais lire ce livre. C’est un fait général, j’aime beaucoup les romans qui ont pour base principale « et si… ? ». Mais j’aime aussi les romans qui parlent de la lecture en général. L’un de mes préférés est d’ailleurs Comme un roman de Daniel Pennac. La Reine des lectrices devrait me plaire en toute logique.

Eh bien j’ai beaucoup apprécié de recevoir ce roman pour deux achetés à la librairie, moi qui l’avais dans ma wish-list. J’ai dévoré ce court livre, seulement 120 pages à peu près en quelques heures en essayant de prendre mon temps, en vain.

L’histoire en elle-même est très agréable à lire, notamment grâce à la plume efficace de l’auteur. Acérée, elle ne ménage pas ses personnages et dessine un panorama montrant au lecteur les « coulisses » de la vie royale d’Angleterre, backstage que nous n’avons pas l’habitude de voir.

L’écriture d’Alan Bennett rappelle par plusieurs aspects celle de l’écrivain finlandais Arto Paasilinna. Si au premier abord l’écriture semble aller à l’essentiel, l’humour perce toujours tant dans les situations que dans certains passages dans lesquels l’auteur se permet de légers apartés.


Aucun temps mort donc pour ce roman dont je recommande vivement la lecture !

La Reine des lectrices.- Alan Bennett.- Ed Folio.- 2013

L’Enigme de Saint-Olav


Tallinn, 1409
Sur les hauteurs de la ville, les chevaliers teutoniques incarnent une aristocratie en fin de règne, tandis que la ville basse de Tallinn brasse une population métissée et contrastée. On y croise orfèvres, compagnons maîtres chanteurs, marchands de l’ordre des Têtes-Noires et chefs de guildes, dans l’activité bouillonnante du port de commerce de la Hanse. Un haut responsable de l’ordre des chevaliers est retrouvé décapité à la porte du monastère, une épée ensanglantée abandonnée à la hâte sur le chemin de la ville basse. Le bailli fait appel à son fidèle ami Melchior, l’apothicaire, réputé pour son ingéniosité. Courtisé pour une liqueur de sa fabrication, Melchior est un esprit éclairé au sein d’un monde obscurantiste et naïf. Il faudra toute sa perspicacité pour démêler « l’énigme de Saint-Olav ».


L’histoire commence sur les chapeaux de roue en l’an de grâce 1409 dans une ville décrite de manière tout à fait pittoresque. L’ambiance est donc au rendez-vous dès les premières pages de ce roman pour le plus grand plaisir de la férue d’univers médiévaux que je suis, et c’est cette immersion immédiate et totale qui constitue selon moi le point fort de ce roman.
Concernant l’histoire, j’en ressors beaucoup plus mitigée : ce qui me paraissait être un bon début, un meurtre pour le moins sanglant et une enquête qui se met en place laisse vite la place à de multiples méandres.
Les personnages sont trop peu creusés, et leurs passage donnent l’impression qu’ils sont là pour peupler cette ville, mais que même les plus impliqués dans la trame de l’histoire ne sont que de passage. Reste Melchior, le personnage principal, qui est un peu plus approfondi que les autres. Mais malheureusement j’aurais apprécié en savoir un peu plus sur la mystérieuse malédiction. De plus, l’auteur fait allusion à un passé qui n’est une fois encore qu’explicité.
L’énigme de Saint-Olav n’est pas un roman que je garderai en mémoire, mais n’est pas le pire que j’ai pu lire depuis le début de l’année.

Roman lu dans le cadre de la masse critique du site 

L’Année des dragons


On se pose parfois la question de savoir ce que l’on ferait si telle ou telle chose arrivait. C’est précisément le but de ce livre. En effet, que feriez-vous si du jour au lendemain toute l’électronique vous lâchait ? Que feriez-vous en cas de black-out ? C’est le problème auquel ont du faire face les habitants de Mauriac. Comment se réorganiser alors que toutes les habitudes prises depuis de nombreuses années sont chamboulées ?


C’est sans aucun préjugé que j’ai commencé ce roman dont je ne connaissais que la quatrième de couverture, dont le résumé m’a aussitôt plu. De tous les scénarii, une panne généralisée de tous les systèmes électriques en France et le retour à une vie « à l’ancienne époque» me paraît la plus plausible. Ce n’est pas un scénario catastrophe avec des zombies, mais réfléchissez : est-ce pour autant agréable de vivre sans électricité ni chauffage ?
C’est donc dans un cadre que l’on pourrait tous connaître que l’histoire se déroule. J’ai apprécié de suivre la transformation de la société et le scénario m’a paru tenir la route. C’est donc une idée très originale que l’auteur a mis en place dans son roman.
Les personnages, très nombreux, font que l’histoire est un peu difficile à suivre par moment. Néanmoins, on peut s’apercevoir en étant un peu attentif que l’auteur a réussi à respecter une cohérence tout au long des chapitres.
Si j’ai pu déplorer quelques longueurs dans certaines parties du livre, l’histoire est bien écrite, dans les dialogues notamment. Le niveau de langue est bien dosé et contribue au réalisme de l’histoire.
~ En un mot ~
Une bonne histoire.

Le pianiste


Septembre 1939. L’invasion de la Pologne, décrétée par Hitler, vient déclencher la Seconde Guerre mondiale. Varsovie est écrasée sous les bombes ; à la radio résonnent les derniers accords d’un nocturne de Chopin. Le pianiste Wladyslaw Szpilman est contraint de rejoindre le ghetto nazi recréé au coeur de la ville. Là, il va subir l’horreur au quotidien, avec la menace permanente de la déportation. Miraculeusement rescapé de l’enfer, grâce à un officier allemand mélomane, le pianiste témoigne au lendemain de la victoire alliée…


Tout le monde connaît le film réalisé par Roman Polanski où Wladek est brillamment interprété par Adrien Brody. Le pianiste est également un véritable témoignage rédigé par Wladyslaw Szpilman après-guerre.


C’est un récit poignant dans lequel l’auteur détaille son quotidien dans une atmosphère allant de l’incrédulité générale à l’horreur en passant par la peur. Dans ce ghetto où la mort règne en maîtresse absolue, l’auteur nous décrit la manière dont il a réussi à survivre durant six années, bravant le froid, la faim et la maladie, et surtout les pires épreuves physiques comme morales.
Qu’il soit simple curieux ou bien féru d’histoire, différents sentiments traverseront le lecteur du Pianiste. L’horreur, la peur, le dégoût mais également une émotion lorsque l’officier allemand choisit d’aider le musicien en lui fournissant draps et fournitures.

Chaque témoignage de cette guerre me semble digne d’être pris en compte. L’oubli est en effet le meilleur moyen de permettre à la folie des hommes de commettre à nouveau de telles horreurs.
Cela a été un rude moment de lecture, mais que j’ai malgré tout apprécié. Les lectures fortes qui remuent aussi bien l’esprit que les tripes font du bien parfois. Ceux qui me connaissent personnellement savent l’importance que j’attache à la sauvegarde de la mémoire de l’extermination effectuée par les nazis, non seulement sur les Juifs, mais sur d’autres personnes comme les homosexuels et des personnes handicapées.
Je vous invite à lire ce récit qui ne vous laissera pas indifférent.

Le pianiste.- Wladyslaw Szpilman.- 2001 (Ed Belfond)

Article amoureux des bouquineries


Des bouquinistes.



Présents dans toutes les villes, dans les grandes rues ou au fond de petites ruelles pavées, les bouquinistes sont encore là, et chez eux le livre que vous cherchez peut-être depuis des années !

Imaginez. Une fois la porte poussée, vous entrez dans un autre monde. Alors que les bruits de l’extérieur s’estompent, et rien d’autre ne se fait entendre que les quelques clients déjà plongés dans la recherche de leur Graal livresque personnel. Des yeux, vous cherchez le maître des lieux. Bien souvent, il sera caché derrière un bureau encombré de livres, prospectus, et autres affiches des siècles passés.

Votre regard erre sur un horizon de papier. Des étagères allant jusqu’au plafond, des tables recouvertes de livres et de minuscules allées pour permettre aux lecteurs avides de découvertes de circuler. Des années d’édition et de lectures s’offrent à vous, et ce dans tous les domaines.
Quel amateur de lecture n’a pas passé des moments merveilleux dans ces endroits à chercher un livre en particulier, fouiller la bouquinerie de fond en comble, ou juste flâner dans les rayonnages et à effleurer du doigt la tranche de livres renfermant peut-être une histoire fabuleuse !
J’aime ces moments passés dans les bouquineries, et les personnes tenant ces échoppes sorties d’un autre temps méritent tout le respect possible. Dans un climat peu favorable au commerce du livre, ils réussissent à survivre envers et contre tout.

Si vous avez aimé cet article, je vous conseille la lecture de celui-ci.

Jamais avant le coucher du Soleil

Jamais avant le coucher du soleil est le premier roman de l’auteur finlandaise  Johanna Sinisalo et paru en 2000. Il a été traduit en 2003 par Anne Colin du Terrail. C’est un roman du genre fantastique, le premier du genre a avoir été récompensé par le prix Finlandia.



Ange, un jeune photographe de renom sauve un petit troll d’une bande de jeunes délinquants. Commence alors une histoire forte entre l’animal et le jeune homme, ce qui mettra ce dernier dans des situations de plus en plus embarrassantes. Sa seule complice dans cette histoire, Palomita, l’une de ses voisines confinée chez elle par un mari trop possessif.

Ange finit par succomber à la tentation et utilise le jeune troll dans une campagne de publicité. Celle-ci connaît un succès retentissant et le jeune homme se retrouve interrogé à la fois par ses supérieurs et ses amis afin de tout savoir sur la manière dont il s’y est pris pour obtenir ce résultat. Mais Ange prend peur et décide de rendre sa liberté au petit animal. 

Un point intéressant à notifier concerne le fait que dans ce roman, les trolls ne font pas partie de l’imaginaire des finlandais, mais qu’ils sont bel et bien des animaux réels et banals, au même titre que les chiens ou les chats.
Ce roman touchant offre au lecteur une vision touchante (dans tous les sens du terme) de ce que peuvent être les relations non seulement humaines, mais aussi celles qui unissent les animaux et les hommes.

Mêler la dimension fantastique dans la vie des finlandais n’est pas chose rare chez bien des auteurs de ce pays, nous pouvons ainsi citer l’écrivain Arto Paasilinna et son roman Le fils du Dieu de l’Orage. 
 

L’auteur emprunte à la fois son titre et le nom de son petit troll à une chanson célèbre dans la tradition finlandaise dans laquelle on raconte l’histoire d’un lutin ne pouvant vivre tant que le soleil n’est pas couché. Les différents chapitres empruntent d’ailleurs leurs titres à cette chanson.

Ce roman est sûrement l’un des plus touchants que j’ai eu à lire.

Du Domaine des Murmures

« Le monde de mon temps était poreux, pénétrable au merveilleux. Vous avez coupé les voies, réduit les fables à rien, niant ce qui vous échappait, oubliant la force des vieux récits. Vous avez étouffé la magie, le spirituel et la contemplation dans le vacarme de vos ville, et rares sont ceux qui, prenant le temps de tendre l’oreille, peuvent encore entendre le murmure des temps anciens ou le bruit du vent dans les branches. Mais n’imaginez pas que ce massacre des contes a chassé la peur ! Non, vous tremblez toujours sans même savoir pourquoi. »
 Une jeune fille qui choisit de s’emmurer au lieu d’être donnée en mariage et devient une sainte écoutée par tout le monde chrétien du 12ème siècle. Tel est le destin d’Esclarmonde, fille du domaine des Murmures.
Ce roman écrit par Carole Martinez est publié aux éditions Gallimard. Le thème de la religion est traité avec clarté sans accentuer les croyances du peuple de l’époque. Le lecteur peut donc retrouver l’ambiguïté des croyances de ces gens, balançant entre les vieilles légendes racontées par leurs ancêtres et la religion catholique leur imposant une vision du monde nouvelle.
Esclarmonde nous fait voyager du réduit où elle s’est volontairement enfermée afin de racheter les péchés de son père. Elle nous offre ainsi un récit de voyage, celui de son père parti aux croisades. Celle qui possède un lien privilégié avec son Seigneur se retrouve condamnée à vivre la vie des hommes qui combattent en son nom aux portes des « infidèles ».
Les émotions d’Esclarmonde, celles de son père et de tout ceux qui composent la « société des murmures » sont retranscrites avec autant d’intensité que le style de l’auteur est simple et clair. Les dialogues sont brefs et les descriptions précises.
Un roman se lisant malheureusement bien trop vite tant on se retrouve transporté par le voyage immobile d’Esclarmonde.