Chien du Heaume

Chien. C’est le nom qu’on lui donne. Parce qu’elle est mercenaire, et qu’on la siffle dès que la guerre menace. De toute façon, elle ne connaît pas son vrai nom. La seule chose qui la rattache à son passé est la hache ornée qu’elle tient de son père. Elle n’est pas belle, mais elle survit dans un monde rude et rempli d’hommes.
A travers ses missions, c’est son passé qu’elle cherche. Elle croise sur sa route plusieurs personnes : un forgeron au visage barré d’une brûlure en forme de croix, un châtelain qui aurait bien connu son père… Tel est le but que Chien du Heaume s’est fixé.




Chien du Heaume est le premier roman de ce genre que je lis. Il se situe aux frontières du fantastique, car le voile « merveilleux » (au sens littéraire du terme) est très mince. L’univers dans lequel évolue notre rude héroïne est sombre et empli de dangers embusqués et prend place dans le haut moyen-âge.

Le lecteur peut ainsi suivre l’héroïne dans sa quête pour retrouver son passé. Il peut également admirer la pugnacité dont elle fait preuve pour se tailler une place dans le monde viril et abrupt du mercenariat, souvent à l’aide de sa hache. Une femme comme Chien dans un monde où les hommes prennent toutes les décisions a de quoi surprendre. Notre héroïne, non content de lutter contre les préjugés et la gent masculine, doit également faire face à des trahisons féminines.

Le style de l’auteur est tout aussi brutal que le monde qu’elle dessine sous sa plume : les dialogues sont brefs et précis et le langage achève de nous y transporter. La brutale réalité du quotidien médiéval s’impose dès le début de la lecture et donne à l’histoire les accents du réalisme.
Seul petit bémol selon moi… la fin est un peu trop rapide comparé au délai de la mise en route de l’histoire.

Passons à la couverture : comme d’habitude, on reconnaît là l’œuvre des graphistes et des maquettistes des éditions Mnémos qui ont comme d’habitude fait un beau travail.
Justine Niogret a sorti en 2011 la suite de Chien du Heaume, intituléMordre le Bouclier.
Illustration : Johann Bodin

Chien du Heaume.- Justine Niogret.- 2009.- Ed Mnémos

Sîn, le dernier poète (tome 1)

Imrou, Ransâ, Dalim et Selma sont des adolescents dont la vie s’écoule paisiblement avec leurs amis et tuteurs Felden et Siméon dans les forêts du Naharina. Mais l’arrivée d’une conque gravée de symboles étranges porteurs d’un mystère plus grand encore bouleverse leur quotidien. Les voilà partis pour un long périple qui leur fera traverser la moitié des Deux-Terres. Aidés par leurs amis, dont de vaillants Kinderi, Siméon et Felden défont nombre d’ennemis avant de parvenir à leur première étape, la cité magique de Kudram. C’est à partir de ce moment qu’ils se rendent compte que rien n’est plus pareil dans le monde et que le Dénébolar, la Poésie Maudite est plus forte que jamais alors que l’Arbre Originel, d’où découlent toutes les forêts des Deux-Terres, se meurt… Cela sera-t-il la fin du monde ? Ou simplement la fin d’une ère…


Sîn, le dernier poète est indéniablement un roman de qualité. Le monde oriental dans lequel se déroule l’histoire comporte de subtiles touches orientales, notamment dans les dialogues et dans la trame de fond font de cette histoire un véritable plaisir à lire.
Un petit bémol peut-être : le déséquilibre dans la longueur de certains chapitres, rien de grave cependant. C’est bien peu de chose face au contenu de ces chapitres. Les moments de tension s’alternent parfaitement avec des passages plus calmes qui permettent aux personnages de faire avancer l’intrigue et donnent au lecteur de précieuses informations sur leur histoire et sur leur sombre futur.
Sîn, le dernier poète n’est pas uniquement un roman, la poésie est omniprésente car fondatrice du monde des hommes par le Créateur. Pour cela, l’auteur crée une langue, celle des étoiles. Le Njomalil est issu de langage universel et est la seule façon de combattre son pendant maléfique, le dénébolar dont le nom ne doit pas être prononcé à la légère sous peine de lui donner de la puissance.
Cette langue sacrée est composée de symboles donc chacun d’entre eux, en plus de représenter une lettre, est le schéma d’une constellation particulière. Il est possible de l’apprendre sur le site de l’auteur grâce à un tableau de conversion.
Dans le texte, les poèmes sont traduits par l’auteur pour une lecture plus aisée. Elles transportent le lecteur de la manière la plus efficace qui soit dans l’univers de Sîn. Comme dans la réalité, la poésie est pour moi l’un des plus gracieux moyens de faire passer une information.
L’auteur propose dans Sîn, le dernier poète un univers aussi riche que vaste. Ce n’est pas uniquement un monde dessiné à la va-vite. Passionné d’histoire et féru de mythes pré-islamiques, Noureddine Séoudi nous propose quantité de personnages légendaires et de créatures fantastiques tout droit sortis de ces mythes.
Le bestiaire pas si inconnu que ça… Les héros côtoieront dragons, nains et d’autres ignobles créatures issues du Dénébolar. Le bestiaire très vaste donne envie de s’intéresser de plus près aux légendes orientales si peu connues dans nos contrées.
De plus, certaines créatures, comme le fameux Altaïr, n’est pas sans rappeler un fameux aigle ami d’un magicien nommé Gandalf. Cette référence m’a conforté dans mon appréciation de ce roman et qui me semble être un gage de qualité. Je ne dis pas que l’auteur s’est massivement inspiré des œuvres de Tolkien. Au contraire : les discrets clin-d’œil à des scènes peu connues de Bilbo le Hobbit sont pour moi un gage d’érudition littéraire mais aussi d’une grande diversité culturelle de l’auteur.
Les personnages sont quant à eux uniques et l’épaisseur est évidente et travaillée : ils ont un passé clair et un caractère bien campé. Il en va de même pour les magiciens. Sîn, le dernier poète peut être par plusieurs aspects considéré comme un roman initiatique : le « plus » de cette histoire est que les enfants agissent sur leur avenir et possèdent une capacité de décision tout en découvrant leur passé et les légendes fondatrices de leurs peuples respectifs.
Je vous invite à vous plonger dans univers fantasy orientale. Sîn, le dernier poète conserve les traits caractéristiques du genre tout en présentant un univers riche et varié tant dans l’histoire que dans ses intervenants.
Sîn, le dernier poète.- Noureddine Séoudi.- 2009.- Ed. Atria

Les Enchantements d’Ambremer


Allons à Paris, en 1909. La Tour Eiffel n’est pas en métal mais en bois blanc, et parmi les humains vivent elfes, ondines et lutins. Et bien sûr, la magie est partout présente : la ville des elfes, la jumelle féerique de Paris est toujours visible de loin et une station de métro va jusque-là.
Mage de haut niveau du cercle cyan, Louis Denizart Hippolyte Griffont  se trouve chargé d’enquêter sur un trafic d’objets enchantés. Mais le voilà plongé bien malgré lui dans une obscure histoire de meurtres en série impliquant un puissant mage noir et ses monstrueuses gargouilles, mais aussi une coopération forcée avec la baronne de Saint-Gil avec laquelle il semble entretenir des relations bien plus personnelles qu’il ne le laisse paraître…



Les Enchantements d’Ambremer est le premier des romans que j’ai lu de Pierre Pevel. J’ai tout de suite été séduite par la légère touche steampunk de cette histoire. J’apprécie de manière générale les récits dans lesquels on peut trouver des créatures féeriques dans une histoire à enquêtes comme Les Enchantements d’Ambremer.
L’auteur manie le suspens de manière correcte et sait ajouter des touches comiques dans les moments adéquats. Les dialogues sont bons et maniés avec art, ce qui est parfois rare dans le genre du thriller où l’accent est mis sur l’action. Beaucoup de rebondissements sont présents dans ce roman, ce qui donne une bonne cadence à ce livre.
Tout comme les dialogues, les personnages sont hauts en couleur, notamment le protagoniste, Louis Denizart Hippolyte Griffont ou encore le fameux arbre doué de conscience qu’il considère comme son ami…
Humour, fantastique, féerie et action sont présents dans ce roman aux tonalités de romans feuilleton classiques. De par son rythme et son histoire, Les Enchantements d’Ambremer est un roman (trop) rapide à lire selon moi. Mais cela reste plaisant bien sûr !
🙂
Les Enchantements d’Ambremer.- Pierre Pevel.- Le livre de poche.- 2007

Faerie Hacker

Les hommes ne le savent pas, mais leur monde est sur le point de chavirer. Le monde de Faerie, qui se nourrit des grands événements de l’Histoire des hommes pour produire la Couleur qui donne son pouvoir à ses habitants, connaît de profonds bouleversements. En effet, depuis la Shoah, l’Infrasombre, le pendant maléfique de la Couleur, se développe, et ses émissaires envahissent le monde réel pour tenter de faire triompher les plans de leur maître.
Lil, jeune fey rebelle a été bannie de Faërie pour protéger le monde des hommes de l’Infrasombre. Aidée par le capitaine Lartagne, peu habitué aux us humains, elle suit les traces d’un mystérieux démon qui dissémine ses crimes à travers Paris depuis des décennies sous différentes identités. Elle se trouve confrontée à une entreprise de jeux vidéos en vogue au nom évocateur de Devil’s game. En se mêlant aux geeks de cette entreprise, elle découvrira bien des choses… Que cache cette façade en apparence si parfaite sous tout rapports ?

J’apprécie en particulier l’introduction judicieuse de l’histoire dans un récit fantastique. Ce roman appartient au nombre des histoires dans lesquelles le mélange des deux est réussi. L’auteur a également su introduire le lieu commun mainte fois narrée du combat du bien contre le mal avec une nuance originale : la couleur. C’est selon moi une idée astucieuse, en plus d’être originale et fraîche. Cela apporte un mélange de légèreté et de sérieux à ce conflit et lui donne un cachet certain. De plus, j’ai toujours trouvé délicat de traiter d’un sujet aussi sensible que celui de la Shoah, et je n’imaginais pas qu’on puisse l’aborder dans un roman fantastique. C’est un autre point positif que je souhaite souligner à propos de ce roman.
Nonobstant son fort ancrage historique, l’auteur a su lui préserver sa modernité, en abordant un thème aujourd’hui fort prisé des médias : les risques des jeux vidéos pour le jeune public. Faire en sorte que le jeu vidéo devienne « réel » est une façon, humoristique certes, de souligner conséquences que peuvent avoir une exposition trop longue aux jeux vidéos (de combat notamment) sans une sensibilisation à ces risques au préalable. Les joueurs (souvent jeunes) ne sont pas souvent au fait des risques d’accoutumance à ce type de jeu et des dégâts que cela peut occasionner sur leur vie personnelle, professionnelle et relationnelle.
Les notions inhérentes au monde de Faërie sont relativement aisées à comprendre, ce qui ne bloque pas la lecture. De plus, l’auteur nous présente des personnages attachants et hauts en couleur, bien que maladroits. Ils recèlent mille et une faces cachées qui ne manqueront pas de surprendre le lecteur au détour d’une page !
J’ai découvert ce livre par hasard en librairie et je ne suis pas déçue par lui. Chapeau à l’auteur et aux éditions Mnémos qui sont pour moi une des meilleures maisons d’édition fantastique en France.
Faerie Hacker.- Johan Eliot.- 2003.- Ed. Mnemos.
Le site des édition Mnemos : http://www.mnemos.com/

L’Ellipse

Tout est parfait dans la cité d’Eksamorrhe. Tout y est aussi réglé comme il faut : les repas, le quotidien, et même la vie et la mort, le tout dans la foi et la dévotion des Bienfaisants. Une véritable utopie. Mais pas pour tout le monde. Pour Teliau, cette cité ressemble à une prison. Le garçon intelligent brave tous les interdits pour vivre comme il l’entend avec Ande, celle qu’il aime. Ainsi, il vit avec elle une relation allogène, exclusive et renie le principe de l’idylle qui vise à des ébats anonymes pour éviter les familles biparentales. Il découvre également le secret de la sublimation… Banni, il découvre le Dam tant craint par les habitants d’Eksamorrhe, la face cachée de sa cité. Sa ténacité et sa volonté de changer le monde causeront-ils la perte de la ville des Bienfaisants ? Comment les Eksamorrhiens réagiront-ils ?




Je n’ai jamais eu l’occasion de lire de la science-fiction moderne. J’avais en tête les clichés d’une science-fiction présentant notre époque de manière totalement technologique, robotisée et extra-terrestre. Mais je suis heureuse de constater que les choses ont changé.
Gilles Warembourg nous livre ici sa vision (mathématique certes) de l’utopie. Mais comme toutes les utopies, celle-ci est gangrenée et les foules sont manipulées. Étant un esprit purement littéraire, j’ai craint de devoir me confronter à de difficiles concepts mathématiques lorsque j’ai feuilleté ce livre. Mais j’ai été rassurée de constater que ce n’est pas du tout le cas.
L’aspect scientifique est totalement intégré à l’histoire, et ne se situe donc pas au premier plan.
La chose m’ayant le plus interpellée est le véritable cheminement, la maturation mentale qu’accomplit Teliau, le héros, pour faire éclater la vérité. Cette lutte d’un esprit éclairé fait écho à celle qu’ont du mener nombre d’esprit éclairés contre l’obscurantisme (souvent mené par la religion) tout au long de notre histoire.
Par cet aspect, le jeune Teliau ressemble à Galilée qui avait remis en cause la place de l’Homme dans le système solaire et par là bafoué la toute puissance de Dieu. Tous deux ont dû renoncer à leurs certitudes scientifiques et se soumettre à l’autorité.
Dans l’Ellipse, Teliau est condamné à errer dans le Dam, présenté comme un enfer sur terre. Mais ce qu’il y découvre le conforte dans ses convictions. Il réussit, grâce aux mathématiques et à la géométrie, à retourner dans Eksamorrhe et à y délivrer les habitants de leurs certitudes.

Le roman de Gilles Warembourg donne une importante leçon à méditer : comment réagirions-nous si nos croyances les plus profondément ancrées se révélaient être des contes et des mensonges ? Je pense que l’auteur a su mettre le doigt sur une question qui me semble centrale dans l’entreprise titanesque qu’est la connaissance de soi. C’est pour moi un des aspect qui font un bon livre : au delà du style littéraire (qui reste très fluide chez Gilles Warembourg), une question donnant à réfléchir.

L’Ellipse.- Gilles Warembourg.- Env. 290 pages.- Editions Atria 

Pour les autres livres des éditions Atria, je vous invite à consulter leur site internet :
http://www.editionsatria.com/

Baroque’n’Roll


Après avoir beaucoup apprécié le premier roman d’Anthelme Hauchecorne, j’ai attendu avec impatience son ouvrage suivant. Je n’ai pas été déçue. Baroque’n’roll est un recueil de quinze nouvelles à l’humour acéré et désabusé.




Le procès d’un diablotin, un vampire séculaire battu par des enfants, un jardin d’Eden en jachère où vont les âmes des athées… Quinze portraits (presque) sans concession. Des dilemmes entre la vie et la richesse dans une mine, un drame lors d’un télé-crochet ressemblant étrangement à ce que l’on connaît, l’esprit critique du lecteur est sans cesse aiguillonné par les situations proposées par l’auteur de La Tour des illusions.
Le lecteur est ainsi placé devant le fait accompli et n’a plus qu’à rire (peut-être jaune parfois) devant ces saynètes aussi drôles que piquantes.

Traiter de sujets d’actualité en employant à la fois un registre humoristique et fantastique est à mon sens le meilleur moyen d’impliquer les lecteurs dans notre monde actuel. De plus, le genre fantastique est une manière de montrer en « miroir » les défaillances de notre monde actuel. Un parti-pris politique et moral qui transparaît de la plus drôle des manières pour nous faire prendre conscience de la fragilité des sociétés modernes.

L’écriture de nouvelles fantastiques est un exercice difficile que peu d’auteurs ont su mener à bien. Ce recueil fait partie du lot en alliant humour et dénonciation morale.

Baroque’n’roll.- Anthelme Hauchecorne.- Editions Midgard.- 2012.- 376 pages.- 15€50


La Tour des illusions est un livre paru en 2011 aux éditions Lokomodo. L’auteur nous délivre une vision interne de la future pauvreté française. SDF, personnes fragiles psychologiquement se retrouvent enfermées afin de subir d’étranges tests. C’est alors que se révolte une bien étrange tribut… des rats.

L’Agent des Ombres

Un homme aux cheveux argentés et aux yeux verts de jade à la dague acérée. Sa vision du monde est simple : ses ennemis, les plus nombreux et sa dague et lui. Tel est Cellendhyll de Corvatar, l’ange au service du Chaos.

Dans les plans de la série de l’Agent des Ombres, les Ténèbres et la Lumière se livrent depuis des siècles un combat plus ou moins ouvert mais toujours violent. Entre les deux se tient le Chaos, bien caché dans son plan-maître qui œuvre pour garder un équilibre plus ou moins précaire entre les deux grandes puissances.
L’Ange, déçu par tout ceux, et toutes celles à qui il a fait confiance, est devenu l’outil de sa vengeance. Et son étrange dague lui insuffle une formidable volonté de se venger au centuple de tout ceux qui l’ont fait souffrir.
« Avant d’écrire mes scènes, je les visualise comme des plans de cinéma. » 
C’est ce que m’a confié Michel Robert au festival Trolls et Légendes de Mons, en avril dernier. Et des scènes de combat comme celles écrites dans les cinq tomes de l’Ange du Chaos, c’est assez rare. On a presque l’impression d’entendre le chant de l’acier et les cris de douleur des victimes de Corvatar.

La saison deux est sortie à la rentrée. Attendue avec impatience, j’ai dévoré le tome 1 en seulement quelques jours. Le niveau a été à la hauteur de mes attentes. Je craignais un « remix » des aventures de la première saison, mais de nouvelles péripéties attendent Cellendhyll, toujours plus palpitantes et pleines de combat. 

Rares sont les livres que je relis souvent, mais la saga de l’Ange du Chaos compte parmi eux.
Série L’Agent des ombres.- Michel Robert.- Edition Mnémos – Pocket.- 2004-2007

L’auteur a également écrit le premier tome mettant en scène une jeune fille un peu sauvage aux étrange yeux violets qui se bat pour survivre dans un monde rude.
Balafrée, tome 1.- Fleuve Noir

Pour en savoir plus sur les éditions Mnémos :
http://www.mnemos.com/index.html