Castel de Broe, six mois ont passé depuis la mort de Noalle et Chien du heaume, anéantie par la perte de ses doigts, s’abîme dans la contemplation de sa griffe de fer, cadeau de Regehir le forgeron. Bréhyr entend lui redonner vie et l’entraîne sur les routes à la recherche du dernier homme qu’elle doit tuer : Herôon. Parti en Terre sainte, celui-ci reviendra par le Tor, une tour mythique où le monde des vivants s’ouvre à celui des morts. Les deux guerrières remontent alors le sillage de sang, de larmes et de pourriture des croisades, arpentant côte à côte la voie de la folie et de la vengeance. Dans ce calvaire, Chien rencontrera Saint Roses, chevalier à la beauté d’icône, au savoir de maestre et dont la foi s’est érodée au pied des hautes murailles de Jérusalem. Une faible lueur qui annonce peut-être un espoir de rédemption.
Ce roman sommeillait dans ma PàL depuis son achat en 2011 au Salon du livre de Paris avec la pastille orange qui le prouve ! J’avais apprécié le premier tome de ce diptyque, son écriture franche et sans fioriture à l’image du personnage principal. Mais ce court second tome s’est vite perdu sous de nouveau livres et il a fallu que je compare ma PàL avec celle de Rhi-Peann pour qu’il retombe entre mes mains ! Car oui, il s’agit de la première lecture commune de ma seconde année de partenariat avec le Livre-Monde !
Comme lors de la lecture de Chien du Heaume, j’ai à nouveau été de suite percutée par la plume acérée, sans concession et au style franc de Justine Niogret. Les amateurs de contemplation en littérature peuvent reposer ce livre s’ils s’attendent à de longues descriptions de personnages ou d’envolées lyriques à propos des paysages. Dans Mordre le bouclier, tout est efficace et direct, à l’instar des personnages. Justine Niogret ne prend de pincettes ni avec les portraits qu’elle nous offre, ni avec les dialogues qu’elle nous rapporte.
L’auteur nous propose ici encore des personnages semblant taillés à la serpe : ils sont rudes et tout en saillies de tempérament. Ce sont des portraits sans concession que nous propose Justine Niogret, portrait qui dégagent même une impression de réalisme presque palpable qu’on en aurait presque le cœur serré à ressentir toutes les épreuves qu’ils ont enduré avec courage et force morale.
J’ai pu noter dans les personnages un rapport étroit entre les personnages et leurs caractères : Chien, jeune femme taciturne et toujours au bord de la colère à l’image d’un dogue, Béhyr au caractère affirmé et volontaire comme l’image qui est donné d’elle par l’auteur, et Saint Roses le chevalier désabusé et méditatif qui se perd dans de longs discours presque métaphysiques.
Les descriptions des personnages que nous propose l’auteur sont réussies et mettent en valeur aussi bien les qualités que les défauts des protagonistes. Tout n’est pas noir ou tout blanc, et Justine Niogret fait preuve d’un sens aigu de l’observation du genre humain.
Mais Mordre le bouclier n’est simplement la suite d’un bon premier tome : cette histoire peut presque se lire pour elle-même, c’est à dire sans connaître l’intrigue du premier tome dans les détails. L’immersion est quasi-instantanée : quelques pages de tournées et nous voilà plongés dans le climat rigoureux du Nord en compagnie de personnes au caractère pour le moins taciturne. Tous les détails de cette histoire vous frapperont avec plus de force que lors d’une lecture normale. C’est du moins ce que j’ai pu ressentir.
Les propos échangés par les personnages portent à une certaine réflexion sur la vie et la croyance en dieu, ce qui pourrait même pousser le lecteur à parfois poser son livre pour s’attarder un petit moment sur la question. Pas à chaque fois bien sûr, mais l’une des questions soulevées, sur celle que l’on doit appeler sa mère par exemple, m’a fait réfléchir pendant un petit moment. J’apprécie particulièrement ce genre d’histoire qui ne se contente pas de raconter, mais qui propose une réflexion derrière le plaisir.
~ En bref ~
Je ne m’explique pas pourquoi j’ai laissé ce petit roman prenant dans ma PàL. Je suis sûre qu’il y a encore beaucoup de petits trésors dedans. Peut-être que la prochaine lecture commune le permettra ?:)
Mordre le bouclier.- Justine Niogret.- Ed. Mnémos.- 2010