L’oeil du héron

Cette élégante créature grise, que, faute de mieux, les habitants de Victoria ont baptisé héron, est le témoin silencieux et énigmatique des démêlés du Peuple de la Paix avec ses oppresseurs de la Cité.

Les deux communautés ont été jadis déportées sur cette planète éloignée de la Terre : l’une à cause de sa contagion pacifiste, et l’autre sa soif de pouvoir et de violence. Les contestataires utopistes de la Zone réussiront-ils à échapper aux foudres répressives des orgueilleux citadins ? Le pacifisme et la non-violence telle que la prônait Gandhi sont-ils suffisants ?

Un conflit entre deux modèles sociaux, pas si manichéen qu’il en a l’air. À travers ce magnifique roman, la grande Ursula Le Guin (1929-2018) se développe en fait le thème de l’Éternel Retour, d’où la symbolique omniprésente de l’anneau et du cercle, dont l’œil du héron constitue en quelque sorte le miroir muet.

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#Comment ce livre m’est-il tombé entre les mains ?

J’ai eu l’occasion de découvrir L’Oeil du Héron dans le cadre de mon partenariat avec les éditions Actusf (encore merci pour votre confiance). Pour avoir lu plusieurs des textes de Le Guin et avoir découvert la 4e de couverture, j’ai su que je ne pouvais pas me tromper. Et j’ai eu raison.

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#On prend les mêmes et on recommence

On découvre donc une nouvelle planète à la géographie largement inconnue, que de courageux·ses explorateurices vont découvrir un peu plus largement, dans le but d’établir une nouvelle colonie.

L’autrice nous propose un monde scindé entre des capitalistes (appelons un chat un chat) et des personnes pacifistes envers et contre tout. Deux profils antithétiques qui ne sont pas sans rappeler, de manière plus grossière bien entendu, ce que l’on rencontre dans nos propres sociétés bien terriennes. Clairement, rien de nouveau sous le soleil concernant les rapports de domination d’une caste sur d’autres.

Cependant, ce roman reste tristement d’actualité, même plusieurs décennies après sa publication en version originale dans les années 1970. Le Guin a un oeil acéré et détaille parfaitement les incohérences des différents courants de pensées, en particulier chez les pacifistes, au sein même du groupe. Ces débats sont vraiment intéressants à suivre et invitent à remettre sans cesse nos propres points de vue sur le métier.

En particulier, la thématique des limites de l’auto-organisation vis-à-vis d’un système déjà installé m’a fortement passionnée. Comment en effet s’affranchir dudit système afin de gagner en autonomie, au moins en partie, sans effusion de sang ? Faut-il plutôt demander pardon ou la permission ? Débat à laquelle je n’ai pas la réponse, mais qui a alimenté ma réflexion.

Et surtout, une question demeure et a eu le don de me mettre en colère, car elle fait terriblement écho à notre réalité : comment peut-on laisser des escrocs, des malfaiteurs (et là des prisonniers dans le roman !) gouverner et imposer leur loi sans rien dire ?

Comme dans les autres romans que j’ai pu lire de cette autrice, j’aime sa capacité à nous décrire un monde totalement étranger, mais que semble étrangement familier. C’est une capacité rare et la plume de Le Guin y réussit magnifiquement.

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#En Bref

L’Oeil du Héron est un roman certes de science-fiction, mais une SF qui a l’intérêt de refléter une époque… sans doute celle des années 70, mais aussi (et plus tristement) la nôtre.

L’oeil du héron.- Ursula K. Le Guin.- Ed. Actusf.- Coll. Hélios.- Disponible

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